Page 16 - Bergerac-Duras Mag Connexion n° 09
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 surtout pour justifier de leur énorme diffé- rence de prix à cause des droits de douane très lourds qu’ils subissent (voir encadré).
Au niveau géographique, il est plus per- tinent de raisonner en termes de villes que d’états (l’Inde est un pays fédéral, comme l’Allemagne ou les États-Unis). La consom- mation de vin est très majoritairement urbaine, avec trois villes regroupant 75 % de la consommation nationale : Mumbai (Bombay, capitale commerciale, 32 %), Delhi (capitale politique, 25 %) et Banga- lore (capitale technologique, 20 %).
Les 23 % restant se partagent dans les autres états, moins urbanisés. Certains États prohibent la consommation d’alcool, d’autres ont une situation de monopole si- milaire aux pays scandinaves, et d’autres vendent des licences soit librement (dans la limite d’un nombre maximal), soit avec un système d’enchères où le plus offrant remporte la licence disponible.
Nous sommes donc face à un marché très fragmenté, avec des législations com- plètement différentes à l’intérieur d’un même pays (voir carte page précédente). Il est nécessaire d’avoir ces éléments à l’es- prit avant de commencer à prospecter, car ce marché ne ressemble à aucun autre.
Ainsi, deux stratégies sont possibles pour pénétrer le marché indien en s’adap- tant à ses spécificités :
Merlot du Chili 20€
Chardonnay du Languedoc 19€
1 - Approcher les monopoles d’État quand ils existent (ex : KSBCL pour vendre à Bangalore, DSIIDC pour vendre à Delhi), afin d’être vendu soit dans les magasins d’état (comme en Suède), soit dans les magasins indépendants, mais approuvés par le monopole. Le prix consommateur aura un maximum imposé, affiché dans la boutique (comme l’exemple dans le ta- bleau ci-dessous).
2 - Contacter un importateur opérant au niveau national, qui pourra assurer lui- même la distribution dans les états sans monopole, et vendre aux monopoles dans les états concernés.
Des consommateurs peu connaisseurs
Le consommateur indien connaît le vin comme le consommateur français connaît le saké, c’est-à-dire très peu... Certes, les Indiens savent que le vin existe, mais leur définition de “wine” n’est pas la même qu’en France. Un “wine” peut si- gnifier un vin de fruit (banane, ananas ou mangue fermentée), mais aussi une pseu- do-boisson alcoolisée et fortement sucrée produite à partir de mélasse de canne à sucre, qui ne contient pas une once de rai- sin. Ce type de “vin” est heureusement en déclin, grâce notamment à l’industrie vini- cole locale qui a saisi le changement d’ha- bitude de consommation dans son pays.
Cependant, le goût des Indiens pour les vins sucrés (qu’ils appellent indistinc- tement fortified wines) se maintient avec 35 % des ventes totales, un des taux les plus élevés au monde. Bharat est-il donc un marché d’avenir pour les Sauternes, Ju- rançon, Muscat VDN et autres mœlleux/ liquoreux ? Un marché concurrentiel dans tous les cas, les marques locales étant déjà installées depuis longtemps.
Ce sont principalement des vins de Che- nin blanc, cépage très populaire, dont la fermentation est arrêtée à renfort de sul- fites, de filtration stérile ou de mutage à l’alcool. Les vins issus de pourriture noble ou de cépages aromatiques ont donc un boulevard devant eux, car ils présentent un profil aromatique très différent et une image bien plus haut de gamme que leurs concurrents locaux, voire australiens. La complexité aromatique est bien supé- rieure, et saura s’appairer à la cuisine in- dienne si épicée.
Les vins rouges représentent la moitié des volumes vendus, et sont sans surprise des monocépages sertis par une capsule à vis. On reconnaît au premier coup d’œil le style « Nouveau-Monde », qui va immé- diatement à l’essentiel. Marque, cépage, millésime, « Produce of India », voilà. Point d’appellation, de lieu-dit, de prénom ou de curiosité locale, cela rajouterait de la com- plexité à un produit déjà assez mystérieux et cher, et freinerait l’acte d’achat.
Est-ce un problème pour les vins fran- çais, dont l’étiquette est plus complexe ? Pas forcément, si on prend bien soin de mentionner l’origine française du col, soit par la mention « Produce of France » mise en valeur, soit avec le nom de la marque qui sonne bien français. Par contre, indiquer les cépages sur l’étiquette de face est plus que recommandé. Comme pour tous les consommateurs qui ne sont pas connais- seurs, on achète avant tout une marque ET un cépage, les deux vont ensemble. Pour un indien, un vin sans cépage est comme un emballage surprise : il ne sait pas ce qu’il contient, et va avoir du mal à acheter quelque chose qu’il n’arrive pas à reconnaître. Ce serait comme acheter un whisky sans mention d’origine, de malt ou d’âge.
Le marché indien n’en est encore qu’à ses balbutiements. Sa situation ressemble à celle de la Chine dans les années 1980, avec une consommation très faible, et des droits de douanes très élevés. Pour les mêmes raisons d’enrichissement du pays, l’Inde deviendra aussi, dans les prochaines décennies, un marché dont le potentiel énorme la rendra incontournable auprès des exportateurs français.
> Badre Mahdi
Conseil et agent commissionnaire à l’export et à l’import Intervenant en commerce international et stratégie Eeport dans de nombreuses écoles de commerce de France (dont Kedge à Bordeaux) access.international@yahoo.fr Tél. 06 65 60 19 71
Bastian Sauze
Consultant et formateur en vins et en commerce international bsauze@outlook.fr Tél. 06 47 33 83 94
Économie
 Exemples de prix consommateur maximum imposés
par le monopole d’État
du Tamil Nadu (TASMAC)
  Chianti rouge
Champagne de grande maison
Prosecco
Caménère du Chili
Côtes-du-Rhône rouge
Bordeaux Rouge
Vodka aromatisée
26€
120€
40€
21€
30€
27€
31€
   Cabernet Sauvignon du Bordelais
  26€
     Whisky bourbon 59€
 CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - NOVEMBRE 2023 16

























































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