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Économie
Pourtant, selon un rapport de la banque indienne Kotak, la consommation de vin est en hausse constante depuis plusieurs années. Elle pourrait même connaître une croissance de 10 % par an pendant les 5 prochaines années. Soit une hausse cu- mulée de 60 % ! Comment expliquer cette soudaine hausse ? Principalement par la transition des spiritueux vers le vin, perçu comme plus sain et plus sophistiqué que ces derniers.
Ce mouvement croissant de consom- mation d’alcool suit le mouvement d’ur- banisation fulgurante du pays, qui va de pair avec l’occidentalisation de la classe supérieure. Les riches Indiens voyagent, parlent anglais, étudient en Europe, en Australie, dans les grandes universités américaines, et découvrent l’habitude de consommer du vin. Ils importent cette ha- bitude en Inde, avant d’importer des bou- teilles, mais aussi d’en produire sur place, notamment dans la vallée de Nashik, tout près de Mumbai (Bombay).
Une industrie vinicole locale, adaptée
à une distribution très complexe
Car si, comme dans les autres pays d’Asie, les Indiens se mettent à consom- mer du vin, l’Inde a cette spécificité d’être un pays producteur. Point de vignoble au Japon, en Corée, à Hong-Kong, à Taïwan, quelques-uns en Chine (peu qualitatifs), mais une véritable industrie vinicole près d’une des plus grandes villes de l’Inde. Des cépages français, palissés en lyre, un ren- dement compris entre 10 et 12 tonnes à l’hectare, beaucoup de thermovinification et assimilées, nous sommes loin des ter- roirs de Graves ou du Libournais...
C’est pourtant cette différence qui peut faire la force des vins français, car ces vins indiens se distinguent peu du reste de la concurrence internationale, principa- lement australienne. Ce ne sont pas des vins de terroir, mais des vins de mono- cépages sans autre identité que celle de leur marque. Le système d’appellation que nous connaissons en France, avec ses exigences de qualité, n’a aucun équivalent en Inde. Avec la notion de terroir, c’est un argument crucial pour proposer ses vins à un importateur indien. L’image de marque du vin français doit être celle d’un terroir
exotique pour les Indiens, avec l’histoire du domaine ou du château, l’assemblage des cépages, et les exigences de qualité au niveau du rendement et de la vinifica-
tion. En bref, les vins français doivent se positionner comme des vins premiums, non seulement pour se démarquer de la concurrence locale et australienne, mais
Des droits de douane dissuasifs
150 %. C’est l’augmentation que doit subir un vin importé (sauf australien, imposé à 100 % et dans 5 ans à 75 %) à l’entrée du territoire indien. Il faut donc multiplier le prix de la bouteille, incluant le transport maritime ou aérien, par 2,5. Puis ajouter une taxe fédérale aux pro- duits et services supplémentaires de 18 % (IGST), et enfin la TVA de 20 % mi- nimum, qui peut atteindre jusqu’à 65 % selon les États. On comprend mieux le faible taux de consommation d’alcool importé en Inde... La fiscalité a un pou- voir dissuasif sur le consommateur.
Seuls des accords de libre-échange, comme celui passé entre l’Inde et l’Aus- tralie récemment, peuvent réduire ces droits de douane faramineux qui font du vin un produit de luxe réservé à une élite.
Pour l’instant, la seule option réaliste consiste soit à exporter du vin très peu cher, pour limiter la hausse des coûts ; soit à exporter une marque à forte va- leur ajoutée qui saura se différencier de la concurrence locale. Les vins de moyenne gamme importés n’ont pas en- core trouvé leur place...
15 CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - NOVEMBRE 2023