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Juridique
Placer son entreprise
sous la protection du tribunal
Conscient des difficultés frappant
le secteur viticole et de la pluralité des fonctions du chef d’entreprise, le tribunal judiciaire de Bordeaux, en la personne du magistrat délégué à cette fin et de son équipe, entend apporter son appui aux entreprises viticoles par une politique
de prévention des difficultés.
Être chef d’une entreprise viticole implique tant des compétences en viticulture, en vinification qu’en commer-
cialisation, droit et management. Le chef d’entreprise est donc un professionnel exerçant plusieurs fonctions complexes très différentes les unes des autres. Natu- rellement, il se conçoit que le chef d’entre- prise ne soit pas parfaitement armé pour leur exercice. Il n’est donc pas rare, dans un contexte économique de crise que le chef d’entreprise puisse se sentir démuni face aux difficultés.
Conscient des difficultés frappant le sec- teur viticole et de la pluralité des fonctions du chef d’entreprise, le tribunal judiciaire de Bordeaux entend apporter son secours aux entreprises viticoles, par la mise en place d'une politique de prévention des dif- ficultés, pour assurer la continuation des exploitations, favoriser la sauvegarde des emplois et du patrimoine viticole.
Lorsqu’il intervient dans le domaine préventif, le tribunal n’est pas investi d’un pouvoir de sanction, ou d’ouverture d’une procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire). Il est au contraire chargé de protéger l’entreprise contre le risque de sa disparition et d’apporter un traitement aux difficultés, par la recherche d'accord avec les créanciers dans le cadre de procédures confidentielles.
La prévention des difficultés se réalise en deux phases. La première est la détec- tion des difficultés. Il appartient au chef d’entreprise, ou aux organes de l’entre- prise, d’identifier ces difficultés.
Les difficultés que peut rencontrer une entreprise sont de cinq grandes catégories :
- financières, défaut de trésorerie ;
- économique, disparition d’un ou plu- sieurs marché, concurrence nouvelle ;
- sociales, conflits entre les associés ou gérants, conflits avec les salariés, départ de salariés ;
- opérationnelles, perte d’un client, dif- ficulté d’approvisionnement, dysfonction- nement matériel ;
- réglementaires, apparition de nou- velles contraintes légales.
Dès lors que l’entreprise se trouve dans l’une de ces situations, il est primordial que le chef d’entreprise se place sous la protection du tribunal.
Le chef d’entreprise peut demander au président du tribunal - en pratique au magistrat délégué à cette fin - d’être reçu pour faire le point sur la situation de son entreprise. À défaut de demande du chef d’entreprise, si le président du tribunal dispose d’éléments objectifs (inscription de privilège, procédure judiciaire en cours, information par un organe de l’entreprise), il peut convoquer le chef d’entreprise. Cet entretien de détection confidentiel a pour but non seulement d’analyser sommai- rement la situation de l’entreprise en vue d’informer, mais également de proposer un traitement curatif adapté.
La seconde phase est le traitement des difficultés selon les procédures de mandat ad hoc, conciliation ou règlement amiable agricole, présentées dans le tableau à suivre. Le tribunal désigne alors un tiers
spécialisé dans le traitement des difficul- tés des entreprises, dénommé «concilia- teur», qui a le pouvoir de négocier avec les principaux créanciers (étalement des paiements...).Le protocole peut alors être transmis au juge pour homologation, ce qui lui donne force obligatoire. Le concila- teur peut également faire de propositions de restructuration ou accompagner une cession si elle est envisagée.
Les procédures offertes par le tribunal sont confidentielles, dans le but de pas nuire aux relations d’affaires. Seuls sont informés de la procédure les créanciers avec lesquels la négociation d’un accord est en cours. Ces créanciers sont égale- ment soumis à la confidentialité. Enfin, par exception, sur demande du chef d’en- treprise, l’ouverture de la procédure est publiée, lorsque la suspension des pour- suites est demandée. Cette suspension a l’avantage d’empêcher toute action judi- ciaire de l’ensemble des créanciers.
En somme, par la prévention des difficul- tés des entreprises, le tribunal judiciaire, à condition d’être saisi à temps, permet aux exploitations viticoles d'éviter la cessation de paiement et de poursuivre leur activité plus sereinement.
Delphine Dupuis Dominguez,
magistrate déléguée à la prévention des difficultés des entrepreneurs
Adresse du service : procedures-collectives.tj-bordeaux@justice.fr
Explication des termes techniques
• Le tiers ayant prêté serment est un mandataire de justice spécialiste du droit et de l’économie, en lien avec les partenaires institutionnels des entreprises (banques, impôts, URSSAF et MSA). Il a pour mission d’aider, voire d'assister, le chef d’entreprise dans la conclusion d’un accord, facilité par son approche technique du management d’entreprise. Sa rémunération est fixée d’un commun accord avec le chef d’entreprise, sous le contrôle du tribunal.
• L’homologation ou constatation de l’accord par le juge est un contrôle du contenu de l’accord pour s’assurer de la pérennisation de l’entreprise. L’homologation permet de proté- ger l’entreprise : les créanciers ont l’interdiction de recourir à une mesure d’exécution forcée (huissier de justice, saisie) pour obtenir un paiement au-delà des prévisions de l’accord.
• La suspension ou l’interdiction des poursuites interdit à un créancier de saisir le tri- bunal pour faire condamner l’entreprise. Elle est toutefois limitée aux difficultés mention- nées dans l’accord.
CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - JUILLET-AOÛT 2023 12