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 Des économies d’énergie au vignoble Plan Carbone 2030 : 5 axes prioritaires Présentée par Jeanne-Marie Voigt, du service technique du CIVB, le nouveau Plan Carbone de la filière des vins de Bordeaux vise une réduction de 54 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 (par rapport à 2007, date du 1er des trois bilans carbone). « En 12 ans, la filière a déjà réduit de 39 % ses émissions de GES, évaluées à 587 000 tonnes équivalent CO2 en 2019 », a-t-elle souligné. Co-construite avec l’ensemble des parties prenantes (vignerons, négociants, caves coopératives, fournisseurs), la stratégie comporte cinq axes prioritaires: le verre et le conditionnement ; les pratiques viticoles (fioul, machinisme, intrants); le frêt; l’efficacité énergétique des bâtiments et des process ; la captation et le stockage du carbone. Ces cinq axes seront déclinés en 71 actions et 109 sous-actions proposés aux acteurs de la filière. Nous reviendrons sur le Plan Carbone 2023 dans nos prochains numéros. Les interventions au vignoble repré- sentent 24 % des émissions de GES, avec une consommation énergétique très va- riable, pouvant atteindre jusqu’à 200 litres par hectare et par an ! Christophe Gaviglio, ingénieur IFV spécialiste en agro-équipe- ment, a présenté quelques pistes pour ré- aliser des économies d’énergie. La plus immédiate est d’optimiser ses pratiques. En matière technique, le choix de conception de l’équipement est loin d’être négligeable : un interceps peut ain- si consommer de 2,2 à 12 L/ha selon qu’il s’agit d’un outil passif ou à houe rotative et effacement hydraulique ; de même pour les effeuilleuses (à pales-couteaux ou pneumatiques) et les pulvérisateurs (pneumatique ou à jet porté). Il est ainsi recommandé d’intégrer dans sa panoplie les outils les plus passifs possibles. Concernant les réglages, le mode Eco de la prise de force, souvent peu utilisé, peut permettre jusqu’à 30 % d’économie lorsque l’outil attelé n’a pas besoin de toute la puissance du tracteur. Des ré- glages appropriés permettent en général d’optimiser à la fois le travail et la consom- mation d’énergie. Pour le travail du sol, une profondeur adaptée à l’objectif est es- sentielle : la différence de consommation entre un travail de désherbage plutôt su- perficiel et un travail plus profond atteint 50 %. Pour les pulvérisateurs, l’utilisation d’une vitesse d’air moins importante à la sortie de la turbine (en début de saison) permet un gain de 27 % pour un appareil à jet porté et de 18 % pour un pulvérisateur pneumatique. Autre idée : combiner les interventions, par exemple tonte et épam- prage. L’opération combinée sera plus lente mais générera un gain de consom- mation, cette dernière étant toujours infé- rieure à la somme des deux interventions. Autre volet évoqué par l’ingénieur : l’in- novation technologique, avec la motricité électrique ou hybride, l’écoconception des matériels viticoles ou encore les perspec- tives des biocarburants tels que l’ED95. Enfin, la sobriété énergétique repré- sente également un levier d’économie. Elle passe par exemple par une limitation des interventions, l’adoption d’une éco- conduite, le choix de tracteurs avec seu- lement la puissance nécessaire ou encore l’utilisation d’outils d’aide à la décision. > C.P. Marc-André Selosse : les bienfaits d’un sol vivant Brillant orateur et vulgarisateur, le biolo- giste et professeur au Muséum d’Histoire naturelle Marc-André Selosse s’est atta- ché à démontrer toute l’importance du sol et de sa préservation pour le climat, la plante... et le viticulteur. Un gramme de sol contient un milliard de bactéries, plus d’un millier d’espèces de champignons, des milliers d’amibes... Cette vie souterraine crée le sol : elle altère la roche, elle décompose la matière orga- nique et en libère les éléments nutritifs pour les plantes, elle utilise l’azote atmos- phérique pour le transformer en acides aminés... C’est elle qui produit la fertilité des sols. « Le sol fait la plante », souligne le profes- seur : ses racines accueillent des champi- gnons qui puisent pour elle les minéraux en échange des sucres qu’elle lui fournit avec une grande efficacité. Cette « myco- rhization » a aussi un effet sanitaire en as- Le professeur Marc-André Selosse. surant une résistance face au nématode Xiphinema Index (vecteur du court-noué). Le sol fait également le climat : il l’in- fluence négativement quand il est source de gaz à effet de serre ou positivement quand il stocke le carbone. Il joue aussi un rôle central dans le cycle de l’eau, en la retenant (avant la rivière puis l’océan) par sa porosité et en permettant l’alimenta- tion des plantes. Avec le labour qui, à long terme, détruit les champignons, libère du CO2 et rend le sol vulnérable à l’érosion (notamment en détruisant la matière organique qui « colle » et stabilisant les trous), ces diffé- rentes fonctions du sol sont altérées. Par contre, il existe des pratiques vertueuses telles que les couverts végétaux, qui per- mettent de fixer le carbone, de nourrir les champignons du sol, de lutter contre l’éro- sion des sols. « Nous devons relire nos gestes à l’aune de ce que nous savons aujourd’hui des sols, défend Marcy-André Selosse. Il faut limiter le travail du sol, toujours couvrir le sol de végétaux et lui redonner de la matière organique ». > C.P. Technique   33 CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - FÉVRIER 2023 


































































































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