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 La start-up bordelaise Winespace a mis au point une solution d’analyse des commentaires de dégustation, renforcée par l’intelligence artificielle. Elle permet de sonder en temps réel les caractéristiques d’un vin, définies par plusieurs dégustateurs, français ou de différentes nationalités. Un outil qui permet au vigneron de connaître, année après année, la typicité de sa production, et de la rendre lisible aux acheteurs ou aux consommateurs. Peu après 1930, le journaliste améri- cain Gallup met au point les premiers sondages d’opinion. Lesquels sont utilisés pour les élections présidentielles de 1936. Les chercheurs en marketing attribuent souvent la naissance de cette pratique marchande à un négociant bordelais au XVIIe, qui entreprit d’appliquer des tarifs différents en fonction des pays ou était distribué son vin, ceci afin de couvrir ses frais de transport. Cependant, c’est vérita- blement dans les années 50, peu après la guerre, que le marketing va se développer. Au début des Trente glorieuses, pour une partie de l’humanité, s’ouvrait une paren- thèse inimaginable avant cela : l’offre était supérieure à la demande. Il fallait donc guider le public en usant de la déclinaison des outils du marketing (sondages, publi- cités, emballages, promotions). Reste que le sondage est déclaratif. Il relate les intentions du citoyen ou du consommateur. Tandis que le marketing tente de stimuler des actes d’achat. Le pendant de cette situation est qu’avec l’avènement des grands magasins au XIXe siècle, puis le développement de la grande distribution au XXe siècle, l’outil marketing qui a été le plus utilisé était le prix. Au détriment de la qualité même du produit, et surtout du producteur. Sylvain Thibaud et Julien Laithier, les cofondateurs de Winespace. CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - FÉVRIER 2023 20 Économie Winespace décrypte les goûts des vins au profit des vignerons et consommateurs Ainsi, quasiment tous les segments marchands de notre société ont été dé- cryptés. Il demeurait un critère d’achat ou de consommation qui avait été approché, mais sans outil pour en définir les subtili- tés et n’avait été qu’effleuré. Ce segment est pourtant au cœur des appréciations d’une denrée ou d’une boisson, puisqu’il s’agit du goût. Comment définir les appré- ciations gustatives d’un produit, à travers un seul et même outil, qui puisse éclairer le producteur et le consommateur ? C’est le défi que se sont lancés Sylvain Thibaud, Julien Laithier et Antoine Gérard en fondant Winespace en 2017. Les deux premiers s’étaient rencontrés lors de leurs études d’ingénieur à Bordeaux sciences agro. Sylvain avait poursuivi par un master en marketing du vin, Julien avait obtenu son DNO. Quant à Antoine, il avait décro- ché un doctorat en mathématique à l’Inria (l’Inrae de l’informatique). Leur défi : comment agréger les mots de la dégustation pour en faire un outil de compréhension. C’est-à-dire, comment synthétiser, au moment de la dégustation, les mots du dégustateur, quelle que soit sa langue, pour les rendre clairs et lisibles. Sylvain Thibaud explique les méca- nismes de leur démarche : « Nous avons pu engager une collaboration avec un cher- cheur en linguistique à l’Inria, Benoît Sagot pour travailler sur le traitement automa- tique du langage naturel (TALN) associé à l’œnologie. Par chance, il est Bourguignon et adore le vin. Nous nous sommes dit : comment un ordinateur, en utilisant l’intelli- gence artificielle, serait-il à même de compi- ler les notes des dégustateurs et de restituer les termes forts qui ont été utilisés ? » L’équipe, basée à Bordeaux, s’est alors mise en quête de dégustateurs profes- sionnels ou du moins de professionnels exerçant dans le vin pour leur soumettre le service. Mais c’est en Belgique que l’in- novation aquitaine a trouvé ses lettres de noblesse. Le Concours Mondial de Bruxelles vou- lait faire évoluer son système d’évalua- tion des vins dégustés. Évacuer papier et crayons et permettre un descriptif qualitatif et descriptif des vins. Dans ce concours, les jurys viennent d’une cin- quantaine de pays différents. Se posait le problème de la barrière de la langue. Mais pour Winespace, pas de problème. « On a développé l’application en six langues (français, anglais, italien, espagnol, portu- gais et néerlandais). L’intelligence artificielle intégrait les langues différentes. Nous ap- préhendions lors du premier concours de la série, c’était la première fois que les dégus-   Crédit Photo : CMB2022  


































































































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