Page 17 - Bergerac-Duras Mag Connexion n° 01
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 Coûts de revient : le vignoble ne roule pas sur l’or Le cabinet Cegara a publié la 20e édition des « prix de revient viticoles ». Avec des observations à l’hectare ou à l’hectolitre par appellation (en Gironde et Bergerac et Duras). Les analyses des éléments issus des bilans des entreprises viticoles doivent être abordées avec précaution et prudence. Cependant, l’ensemble des chiffres montrent une fébrilité conjuguée à un ensemble de facteur : décroissance de consommation des vins rouges en France, obstacles à l’export (taxes Trump et marché chinois), succession des aléas climatiques... Le philosophe Charles Pépin a le sens de la formule. « Qui ne s’est jamais retrou- vé en panne, en rase campagne, à ouvrir le capot de sa voiture et se demandant pour la première fois comment marche un moteur... C’est quand cela ne marche pas que nous nous demandons comment cela marche. » Ce constat est celui que dressent les experts-comptables de Cegara, et qui se- coue le vignoble bordelais depuis bientôt trois ans. Le Cegara, Centre de gestion agricole et rural d’Aquitaine, « est une as- sociation qui a été créée depuis plus de 40 ans par des experts-comptables en relation avec les agriculteurs, explique son directeur Jean-Marie Albaret. D’ailleurs, agriculteurs et experts-comptables siègent à parts égales au sein de notre conseil d’administration. À l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine, nous accompagnons 4 500 agriculteurs, dont un tiers de viticulteurs. » Cela fait maintenant 20 ans que le Cegara édite chaque année son analyse des prix de revient. L’intérêt du document tient d’abord à sa méthodologie. « Notre publication vise à donner des indicateurs constants. Les chiffres, on peut leur faire dire beaucoup de choses, mais ce qui importe, c’est une méthodologie, dans la durée, qui permette une lisibilité. » Le Cegara recoupe les chiffres de 1 091 exploitations viticoles. De là, il extrait les données de 227 exploitations qui consti- tuent le noyau d’analyse. « Nous n’avons retenu que les exploitations "spécialisées". C’est-à-dire lorsque la superficie de l’appella- tion représente au moins 50 % de la surface de production. » Les exploitations ont une surface moyenne de 20,16 hectares. Dans l’idéal, estime Jean-Marie Albaret, « il faudrait mettre en commun davantage de données pour avoir une vision globale. Alors que nous devons faire avec des données par- cellaires récoltées à droite et à gauche. » Sylvie Crouzet Duval, conseillère d’entreprise et Jean-Marie Albaret, directeur de Cegara. Économie  Un effet tenaille sur des exploitations Ce que l’on peut voir sur l’ensemble des graphiques est un double effet com- biné : une décrue des valeurs du tonneau à partir de 2017, notamment sur les vins rouges (Bordeaux, Bordeaux supérieur, Saint-Émilion - et ses satellites -, Médoc et Haut-Médoc, et moindrement sur les communales). Les explications sont multiples : sur le marché intérieur, la CSG-RDS sur les bud- gets des retraités à l’automne 2017 modi- fie leurs modes d’achat, or, ce sont d’im- portants acheteurs de vins rouges. À l’export, on observe en 2017, et plus encore en 2018, une baisse du marché chinois. Aux USA, les taxes Trump (à par- tir d’octobre 2019) viennent s’ajouter à la baisse de demande. Le vignoble bordelais, très dépendant de la consommation des générations les plus âgées sur son mar- ché intérieur, et fortement dépendant des marchés chinois et américain, se retrouve avec plus d’offre que de demande. Ce qui ne permet pas une reprise des cours. Dans le même temps, les charges fixes se maintiennent. Et chaque production altérée du fait des aléas climatiques tend à resserrer les capacités de revenus des exploitations et des exploitants. Car les chiffres des graphiques ne prennent pas en considération les reve- nus des exploitants. Lesquels, contraints, rognent fortement leurs salaires. Ce qui explique que 70 % des exploitants s’oc- troient un revenu inférieur ou égal au SMIC.Et les projections 2022, avec l’infla- tion, voient se restreindre encore la marge de manœuvre de nombreux exploitants. 17 CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - FÉVRIER 2023 


































































































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