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Utiliser la rafle comme
un ingrédient en vinification
des vins rouges : le cabinet de conseil Derenoncourt Consultants, qui a mené des essais à Bordeaux sur le sujet, présente la rafle comme un élément subtil du terroir qu’il faut accepter
de s’approprier en dépit des appréhensions. Frédéric Massié, co-dirigeant de Derenoncourt Consultants, nous expose ici les différents atouts d’un tel choix technique et notamment celui de redonner, par un assemblage bien dosé, de l’éclat aromatique à des cuvées qui en manqueraient.
Union Girondine : Comment expliquer ce regain d’intérêt pour l’utilisation des rafles en vinification des vins rouges ?
Frédéric Massie : Le constat est simple. À Bordeaux comme ailleurs, l’évolution du climat change le profil analytique des vins, avec plus d’alcool, ce qui conduit à une certaine lourdeur et une perte d’éclat aromatique. Pour autant, ce n’est pas une fatalité car dans beaucoup de régions du monde, notamment dans le Rhône Nord, les vins ont des degrés élevés tout en res- tant très digestes et appétants. Bien sûr, ces régions ont d’autres cépages mais elles ont aussi régulièrement recours à l’usage de la rafle en vinification. Et même s’il s’agit d’un usage historique qui reste empirique, les résultats sont bons.
Ainsi, avant d’importer cette pratique à Bordeaux, nous avons souhaité mieux connaître cet ingrédient qu’est la rafle pour rationaliser son usage. Des travaux de re- cherches menés à l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV) en 2016, sous la direction d’Axel Marchal, ont permis
Le Château Larrivet Haut-Brion incorpore les grappes non-éraflées (ici la vendange 2023) pour environ 15 % de ses parcelles de merlot, et à hauteur de 25 % maximum.
CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - OCTOBRE 2023 20
Technique
d’identifier deux constituants de la rafle : l’astilbine, un polyphénol inodore qui in- fluence la texture et apporte de la sucrosi- té, mais aussi des molécules aromatiques (salicylates d’éthyle et de méthyl) qui sont liées à des notes de fraîcheur (camphre, menthe, poivre). Ces résultats ont été le point de départ de nos travaux. Notre but était de les utiliser, pour leur donner une interprétation concrète, à l’échelle de nos cépages bordelais.
U.G.: Depuis plusieurs campagnes, vous menez des essais avec des proprié- tés bordelaises sur cet usage. En quoi consistent ces essais ?
F.M. : Derenoncourt Consultants a dé- marré des essais en 2019, en partenariat avec le laboratoire Excell et l’entreprise Biolandes, laquelle a mis à disposition un « nez » pour l’analyse olfactive de macé- rats de rafles. Les premiers résultats ont donné lieu à une publication dans la Revue des Œnologues en juillet 2021. Il ne s’agis-
sait pas d’essais en laboratoire mais de tests « terrain » réalisés dans des chais de vinification, avec des cuves de 30 à 150 hl, au sein de 8 propriétés partenaires* sur 6 appellations - j’en profite pour les remercier encore de nous avoir fait confiance.
Dans les faits, en 2019, chaque domaine partenaire a choisi d’incorporer le pour- centage de rafle qu’il voulait, soit entre 8 et 25 %. Ces essais nous ont d’abord permis de vérifier que l’utilisation de rafles n’en- traîne pas d’apport de pesticides.
Le but était dans un deuxième temps de déterminer la composition de la rafle des cépages bordelais. La première année d’essai a aussi permis de lever l’appréhen- sion vis-à-vis de cette pratique quant à son éventuel apport de verdeur. La question de la cinétique de diffusion des composés de la rafle au cours de la fermentation a été étudiée. Nous avons avancé mais le sujet reste ouvert... On peut penser que certains composants de la rafle se combinent, ils ne sont donc plus dosables.
Usage de la rafle en vinification : des atouts testés dans le vignoble
Crédit Photo : Château Larrivet Haut-Brion