Page 17 - Bergerac-Duras Mag Connexion n° 08
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 Un point, qui n’a semble-t-il pas fait consensus, concerne l’importance de l’image des grands crus dans ce débat.
Les wagons profitent-ils encore de la locomotive ? Reconnaissons que nous n’avons pas tranché. Pour autant, les coo- pératives ont clairement un rôle à jouer sur le capital AOC. Et dans ce cas, si l’on en croit ce forum, ce rôle peut être réaffirmé par un renouvellement du système en di- rection de la responsabilité sociétale des entreprises.
La Responsabilité sociétale
des entreprises
Les derniers arguments plutôt favo- rables à l’idée de partir du capital culturel historique ne sont pas une raison pour adopter des stratégies aveuglément conservatrices.
Du reste, si l’on revient au fait que les consommateurs s’intéressent de plus en plus à la façon dont on fait le vin pour des questions organoleptiques, on sait per- tinemment que la valorisation dont il est question réside pour une grande part sur des attentes environnementales et sa- nitaires, voire des enjeux de "naturalité" (comprendre réduction de l’intervention de l’homme avec sa batterie d’instruments chimiques) et vraisemblablement demain sur des enjeux de responsabilité sociale.
« Si je n’ai pas la possibilité de goûter le vin, je vais choisir le bio », a été prononcé et partagé au sein du groupe RSE. Preuve d’une certaine attente, même si l’on s’em- presse de rajouter que le critère de « ré- achat » est surtout le goût. Néanmoins, on peut se poser la question de la pertinence que l’on doit accorder aux multiples certi- fications Bio, HVE, Agri Confiance, Vigne- rons Engagés, Terra Vitis, etc. Certains consommateurs du forum n’accordent que peu de crédit aux certifications envi- ronnementales, en dehors du bio.
Ils se plaignaient aussi de leur multiplici- té quand ils sont présents simultanément sur une même bouteille. Trop de labels dé- crédibilise peut-être les labels qui, en règle générale, correspondent à des critères de production (obligations de moyens) sans obligations de résultats.
Ce point devrait sans doute être travaillé car on ne peut pas dire que les allégations de type «Zéro résidus de pesticides»,
« Sans sulfites ajoutés » ou « Vegan » soient considérées comme des artefacts sans avenir7. Faudrait-il intégrer des obligations de résultat sur certains critères dans les certifications pour répondre simultané- ment à la double demande d’inclusion et de non-prolifération des labels ? Nos consommateurs ne connaissaient pas les complexités administratives sous- jacentes et la nécessité pour le bio de fé- dérer des aspirations internationales (dont européennes) autant que nationales...
Mais on pouvait penser qu’ils avaient bien le droit de penser en dehors de ces considérations. Face à la logique de la certification et de l’affichage, plusieurs consommateurs ont fait valoir que la confiance doit venir de la transparence et de l’ouverture de leurs domaines par les vignerons, pour montrer directement leurs actions en faveur de l’environnement.
Il reste que des décennies d’insécu- rité sanitaires de l’agriculture et de l’ali- mentation, conjuguées à des atteintes à l’environnement par les pesticides et au problème du partage de la valeur au sein des filières agricoles, le tout avec des mé- diatisations de plus en plus incisives, ont eu raison du seul argument « l’important c’est le résultat final». Nos consomma- teurs réclament des garanties sur toutes ces questions. À ce moment-là, le vin ne se distingue plus de l’alimentation. La RSE devrait sans doute se transformer en ré- glementation, ce qui éviterait sans doute beaucoup le « greenwashing » sur lequel les consommateurs ne sont pas dupes, et ce qui est plus inquiétant, aurait tendance à les faire devenir complotistes.
En conclusion : il faut se méfier des a priori
En conclusion, et même s’il faut faire très attention aux intentions exprimées dans un cadre particulier, on peut légiti- mement se demander si les attentes des consommateurs sont aujourd’hui bien sa- tisfaites, et si elles ne pourraient pas être mieux anticipées par les professionnels du secteur.
Le problème est que ces attentes ne sont pas toujours celles que l’on croit. D’une part parce que les données obser- vées ne sont que des données observées, et d’autre part parce que les ressorts de la demande dans un produit aussi complexe
que le vin ne sont jamais exprimés clai- rement et surtout dépendent d’une mul- titude de facteurs spécifiques à l’histoire d’une région de production.
Les enseignements de ce forum socié- tal confortent nos travaux de recherche au moins sur un point : celui d’une valorisa- tion n° 1 par le "plaisir hédonique" que l’on apporte aux consommateurs. Le consom- mateur de vin n’est pas un consomma- teur d’étiquette comme on a souvent trop tendance à le caricaturer. Nos travaux montrent systématiquement que ces consommateurs ont des préférences qui leur sont propres et qui déterminent leurs actes d’achats, ou plutôt de ré-achat, ce qui est plus important.
S’il y a des tendances de fond (comme la demande réitérée de moins d’alcool) qui semblent être avérées, il y a aussi une cer- taine hétérogénéité des goûts, en fonction des usages, qui nécessite une meilleure connaissance des attentes des clients sur le plan organoleptique. Des circuits courts de distribution innovants (œnotourisme et aussi vente en ligne) peuvent permettre de résoudre cette asymétrie d’information qui concerne les producteurs vis-à-vis de l’évolution des goûts des consommateurs.
Pour finir, et tout le monde en est conscient maintenant : les garanties en- vironnementales et les enjeux de natura- lité sont de plus en plus prégnants. Pour la valorisation il faut bien surveiller que le premium, correspondant au consen- tement à payer des consommateurs (ou d’une clientèle visée pour un vin donné), suffise à couvrir les surcoûts liés à des certifications ou de nouvelles démarches de production.
> Éric Giraud-Héraud, Claire Gouty-Borgès, Léa Lecomte, Anne-Sophie Masure, Stéphanie Pérès, Alexandre Pons, Yann Raineau, Antoine de Raymond, Sophie Tempère
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7 - Voir sur ce point récemment Raineau, Y., Lecoq, S., Giraud-Héraud, E., Pérès S., Pons, A., Tempère, S. (2023). « When undue health claims kick out genuine environmental efforts : evidence from experimental auctions with Bordeaux wines’ consumers », Ecolo- gical Economics. 204, pp.107-663
Économie
17 CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - OCTOBRE 2023











































































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