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 Les caractéristiques du Cabernet franc
Sur ce point, on retiendra que le Caber- net franc est peu sensible aux gelées d’hi- ver mais plutôt assez sensible à celles de printemps de même qu’à la sécheresse et aux fortes températures. Il s’avère aussi adaptable vis-à-vis des sols, assez sen- sible à la chlorose, aux carences en ma- gnésium, au dessèchement de la rafle et à l’excoriose mais peu aux maladies (mil- diou et oïdium) et à la coulure. Quant à la vinification, ses rendements en jus sont un peu faibles et son potentiel est qualifié de moyen à équilibré pour les sucres, l’aci- dité et les polyphénols. Il produit des vins qualifiés d’élégants, avec une structure moyenne, aptes au vieillissement et avec un potentiel aromatique assez complexe et intéressant.
Au sujet des qualités organoleptiques du CF, Philippe Darriet, professeur à l’Uni- versité de Bordeaux et directeur de l’Insti- tut supérieur de la vigne et du vin (ISVV), a détaillé les descripteurs aromatiques d’odeurs végétales fraîches et ceux des notes fruitées/florales du cépage en pré- cisant aussi son aptitude au vieillissement et ses différentes qualités gustatives.
Quid de la diversité
intra-variétale ?
Une grande diversité clonale a été ob- servée (couleur des feuilles, taille des grappes.) sur ce cépage. Par ailleurs, des recherches menées en 2012 en Gironde sur la diversité variétale de 9 clones issus d’une collection privée ont mis en évi- dence une accession de Cabernet franc moins sensible au mildiou grâce à une te- neur plus importante d’un polyphénol (del- ta-Viniferin). En outre, d’après des essais menés par les Chambres d’agriculture de la Gironde et des Landes, le potentiel de production exprimé en poids de raisin pro- duit par souche varie de 1 à 3. Le potentiel de degré alcoolique varie quant à lui de 15 % et celui de l’acidité totale de 25 %.
À l’heure actuelle, 31 clones de Caber- net franc ont été agréés sur deux périodes. La première vague de sélection a eu lieu de 1973 à 1979 et la seconde de 2011 à 2019. On distingue 3 zones de sélection du cépage : le Val de Loire, la Gironde et le Sud-Ouest. Ceux considérés comme les plus qualitatifs sont les 214, 327, 394, 395 et 623. Les plus récents, qui ont été sélec-
tionnés sur des critères plus qualitatifs (tannins, couleur des vins, grappes plus petites, rendement), sont les 1155, 1156, 1158, 1166, 1167, 1203, 1204, 1311.
En 2022, même si l’on constate l’arrivée des nouveaux clones, sur les 7,6 millions de greffages réalisés en France pour le Ca- bernet franc, les trois quarts le sont avec les clones 214, 327 et 623.
Autrement dit, depuis plus de 20 ans, les viticulteurs plantent 3 clones de CF, ce qui est très peu. En Gironde, la Chambre d’agriculture, qui est déjà impliquée dans cette sélection en assurant la prémultipli- cation et plus récemment la multiplication des clones, envisage de lancer des pros- pections dans de vieilles parcelles et des recherches sur des clones plus tardifs. Rappelant que « l’obtention d’un clone de- puis la prospection dans les vieilles vignes jusqu’à l’arrivée des plants chez les viticul- teurs prend au moins 20 ans », Francis Mi- net, des Pépinières Guillaume, a ajouté que d’après les suivis en pépinière, le 1 166 aurait un pH plus élevé et le 1 167 semble- rait plus aromatique. »
Quant aux Pépinières Berrillon, qui se positionnent sur la sélection massale sur la base d’un programme de sélection sur trois années incluant, entre autres, plu- sieurs tests sanitaires, ses responsables ont précisé qu’à ce jour, sur les 15 ha de vignes-mères de greffons que compte l’entreprise, près d’1 ha est dédié à la sau- vegarde du Cabernet franc. La collection de Cabernet franc ainsi constituée com- prend 125 individus avec lesquels il est possible de produire 80 000 plants par an.
Les axes de recherche prioritaires
Quoi qu’il en soit, l’une des questions techniques importantes concerne le com- portement du Cabernet franc vis-à-vis du terroir et des contraintes liées au chan- gement climatique, notamment compte tenu du fait qu’il est sensible au stress hydrique. Autrement dit, son alimentation en eau est primordiale pour obtenir une production de qualité. Enfin, des tests mé- ritent aussi d’être réalisés pour identifier le ou les porte-greffes les plus pertinents pour ce cépage.
« Personnellement, a ajouté Jean-Mi- chel Boursiquot, je reste attaché au main- tien d’une diversité des clones, notamment par rapport à l’évolution du climat, car on ne sait pas à terme quels seront les clones
les mieux adaptés. La conservation de cette diversité intra-variétale pour le Cabernet franc s’effectue actuellement à trois en- droits : au Domaine de Vassal à côté de Montpellier, l’INRAE maintient 16 acces- sions ; au domaine de l’Espiguette au Grau- du-Roi, l’IFV en maintient 70 ; et au domaine du lycée agricole de Montreuil Bellay, l’IFV gère là aussi une collection d’une centaine d’accessions. Enfin, de façon urgente, il faut se mobiliser pour la réalisation de prospections et de collectes et pas seule- ment en Gironde. Et il faut aussi agir pour la conservation de sa diversité.  »
Au cours de la journée, une table ronde a permis à plusieurs responsables de do- maines viticoles de la Loire et du Borde- lais de partager leurs expériences sur la culture, la vinification et l’élevage du Ca- bernet franc et de formuler leurs question- nements sur son potentiel d’avenir, notam- ment vis-à-vis du changement climatique. Enfin, dans l’après-midi, s’est tenue une master class animée par Olivier Poussier, meilleur sommelier du monde, de dégus- tation de vins de Cabernet franc produits à Saumur, Chinon, Bourgueil, Saint-Émilion, mais aussi en Argentine et en Toscane.
> Marie-Noëlle Charles
Une spécialité française
Le Cabernet franc est inscrit aux ca- talogues nationaux d’une quinzaine de pays de l’UE. Pour autant il représente des surfaces assez limitées avec un total de 52 000 ha dans le monde. En 2020, en dehors de la France on estime que seule- ment 6 pays ont des surfaces de Caber- net franc supérieures à 1 000 ha : la Chine (5 000 ha), l’Italie (4 200 ha), les États-Unis (2 000 ha), le Chili (1 700 ha), la Hongrie (1 500 ha) et l’Argentine (1 300 ha).
En Gironde
En 2021, la Gironde compte 106 000 ha de cépages rouges dont 66 % de Merlot, 22 % de Cabernet-Sauvignon et 9 % de Ca- bernet franc (9 145 ha) . Ces pourcentages sont à rapprocher des chiffres de 1958 quand le département comptait 36 700 ha de cépages rouges dont 42 % de Merlot, 14 % de Cabernet-Sauvignon et 17 % de Cabernet franc (6 250 ha).
Technique
  CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - SEPTEMBRE 2023 24












































































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