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Technique
Revue des méthodes de mesure sur la plante pour estimer le statut hydrique de la vigne
L’estimation du statut hydrique de la vigne est cruciale pour optimiser les pratiques culturales, notamment les stratégies d’irrigation, afin de garantir une viticulture écologiquement et économiquement durable dans un contexte de pénurie d’eau croissante et de réchauffement climatique. Le statut hydrique
de la vigne peut être estimé indirectement, par des méthodes de mesure basées sur le sol ou l’atmosphère, ou directement par des méthodes de mesure basées sur la plante.
Cette brève revue vise à fournir une perspective actualisée des résultats de la littérature comparant les différentes
méthodes basées sur la plante.
Les avancées scientifiques concernant
la régulation hydrique de la vigne sont dé- crites et appliquées afin de discuter des forces et des limites des méthodes di- rectes d’évaluation du statut hydrique de la vigne, en particulier lors d’un épisode de sécheresse et/ou de fort déficit en pres- sion de vapeur d’eau (DPV). Enfin, les mé- thodes sont comparées selon des critères opérationnels qui devraient aider à choisir un outil d’estimation du statut hydrique de la vigne pour la prise de décision au quoti- dien, notamment en irrigation.
Description des méthodes
Observation visuelle
La perte de turgescence, d’abord per- ceptible sur les vrilles puis par le ralen- tissement de la croissance végétative, est l’un des premiers symptômes visuels d’une vigne qui subit un stress hydrique. Le ralentissement de la croissance des rameaux peut être observé par inspection visuelle du méristème apical des rameaux ou de l’apex des vignes. Cependant, cette
méthode ne peut plus être appliquée pour déterminer les besoins de la vigne dès lors que la croissance des rameaux s’est ar- rêtée ou que le méristème est coupé. La prise en compte de symptômes visuels après cette date conduit souvent à une appréciation erronée du statut hydrique de la vigne, d’autant plus que les symp- tômes visuels de la carence en azote, de la sécheresse et d'un DPV élevé sont similaires. En outre, l’observation visuelle dépend fortement de l’opérateur et n’est donc pas très reproductible. Cependant, des méthodes (par exemple, la méthode de l’apex appliquée pendant la croissance végétative) et des outils associés, tels que des applications pour smartphone faci- litant leur utilisation (par exemple, Apex Vigne), ont été développés pour améliorer les observations visuelles.
Mesure du potentiel hydrique
Le potentiel hydrique de la vigne (Ѱ) est la tension (c’est-à-dire la pression négative) sous laquelle l’eau circule, principalement par les vaisseaux du xylème, depuis les racines jusqu’à l’interface air-feuille où elle s’évapore. Le potentiel hydrique peut être mesuré au niveau de la tige (PHT) ou du pétiole pour refléter le potentiel de la feuille (PHF) en utilisant une chambre à pression. Le PHT est mesuré après avoir mis une feuille dans un sac en aluminium pendant 45 à 120 minutes avant de réaliser la me- sure. Ce délai permettrait de réduire le taux de transpiration de la feuille et d’équilibrer son potentiel hydrique avec celui de la tige.
Les mesures du PHF peuvent être effec- tuées au midi solaire (PHF à midi) ou juste avant le lever du soleil (PHF de base). Au midi solaire, sur une vigne adulte bien ex- posée, les mesures du PHF donnent une in- dication du statut hydrique le plus contraint que la vigne peut expérimenter sur la journée. L’inconvénient de ce protocole de mesure est que la valeur relevée peut va- rier rapidement en fonction des conditions environnementales, comme le passage de nuages ou un DPV élevé. Avant l’aube, on suppose généralement que le PHF et le potentiel hydrique du sol ont atteint un niveau d’équilibre pendant la nuit. Cepen- dant, cette hypothèse a été récemment re-
mise en question, car le PHF de base reste influencé par la transpiration nocturne et le DPV1. Ainsi, le PHF de base reflète un ef- fet de recharge/réapprovisionnement des tissus en eau provenant du sol, mais ne re- flète pas nécessairement la quantité d’eau du sol disponible au niveau des racines.
Les valeurs couramment observées du PHF de la vigne et l’estimation empirique du statut hydrique associée sont résu- mées dans le Tableau 1. Cependant, il faut garder à l’esprit que les mesures du PHT ou du PHF peuvent surestimer le stress hydrique réellement subi par la vigne en cas de sécheresse ou de fort DPV. En effet, la tension de la colonne d’eau à l’intérieur de la vigne augmente généralement entre les interfaces sol-racine et feuille-air (c’est- à-dire que la valeur du potentiel hydrique diminue progressivement de la racine à la feuille). Cela permet de maintenir un flux d’eau continu des racines vers les feuilles. Lorsque la tension du xylème devient trop élevée à l’interface feuille-air, des bulles d’air peuvent se former à l’intérieur des vaisseaux du xylème. Ce phénomène est appelé cavitation. Cela provoque une dé- connection hydrique entre les feuilles et le rameau. Les feuilles se déshydratent alors progressivement en fonction de la de- mande atmosphérique (DPV). En d’autres termes, les feuilles peuvent agir comme des fusibles hydriques. Dans ces condi- tions, le PHT ou le PHF peuvent devenir inférieurs au potentiel hydrique du rameau lorsque le DPV est élevé. Par conséquent, le prélèvement de quelques feuilles lors de mesures à la chambre à pression peut conduire à une surestimation du stress hydrique réel de la vigne.
Fractionnement isotopique du carbone
Deux isotopes stables du carbone du CO2 sont présents dans l’atmosphère. Le 12C étant fortement prédominant par rap- port au 13C, il est préférentiellement capté par les enzymes de la photosynthèse. Ce- pendant, le rapport 13C/12C a tendance à augmenter lorsque la vigne subit un dé- ficit en eau ou en azote. Ainsi, un indice appelé δ13C, basé sur le rapport 13C/12C, est mesuré sur les sucres présents dans
25 CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - JUILLET-AOÛT 2023