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Économie
Cependant, avec si peu d’acteurs aux commandes, la filière dégage des mil- liards d’euros de chiffre d’affaires, et se maintient en seconde position de la ba- lance commerciale de l’Hexagone. Cela montre que les produits du monde viticole ont su trouver leur marché. Cette activité est pourvoyeuse d’emplois non délocali- sables, et a su mobiliser la communauté scientifique autour de l’outil de production qu’est la vigne.
Cette relation tissée entre monde viti- cole rural (et producteur) et monde urbain, qui constitue le principal débouché, est au- jourd’hui mise à mal.
Tout d’abord, comment continuer à être audible face aux autorités et aux instances avec un nombre d’acteurs qui se restreint ?
Comment analyser et comprendre les attentes des consommateurs urbains quand le mode de vie est différent, quand l’écart générationnel engendre des incom- préhensions, quand la façon de consom- mer les loisirs et les services crée une dé- connexion de plus en plus forte et rapide.
Cette prise de conscience de la relation entre le producteur et le consommateur est au cœur des préoccupations de la pro- duction. Et elle trouve d’autant plus d’écho que nombre de producteurs, notamment dans les bassins de vin rouge, se trouvent avec des stocks sur les bras. Et ils font face à un effet tenaille préjudiciable pour les exploitations : des recettes en berne, et des charges en hausse. Il faut garder à l’esprit qu’en 10 ans, la consommation de vin rouge a baissé en France de 32 % (étude Kantar - RTL de novembre 2022).
Aussi, la filière réagit, cogite. Et partout en France (mais aussi en Europe), sont proposés des temps de réflexion.
Le 16 janvier, l’interprofession de Ber- gerac et Duras se posait la question : « Le vin est-il toujours la boisson totem des Fran- çais ? »
Le 27 mars, l’Université de Suze-la- Rousse organisait à Avignon une ren- contre sur le thème : « Demain, quels vins pour quels consommateurs ? »
Le 27 avril, à Soussac, Œnocentres, et la Chambre d’agriculture de Gironde, organi- sait un temps de réflexion sur le thème : «Quel avenir pour le vin. Adaptons-nous. Changeons les codes ! » A Soussac, plus de 120 viticultrices et viticulteurs avaient répondu à l’appel des œnologues de ter-
Variation moyenne de la température en France de 1900 à 2020 L’écart médian a été calculé à partir de la température moyenne relevée entre 1961 et 1999 (Météo-France - Ministère Écologie)
rain. Preuve que la problématique inter- roge.
Cette décroissance rapide de la consommation de vins rouges déstabilise très fortement le marché, et a fortiori les producteurs. C’est une réalité en France, mais c’est aussi le cas dans la majorité des pays matures comme le montre World Wine Magazine en mars 2023.
Les raisons d’un tel bouleversement sont multiples. Longtemps, il a été men- tionné un seul critère : « Les gens mangent moins de viande, donc ils consomment moins de vin ». Ce seul critère ne peut constituer une explication tangible sur un tel phénomène.
(Association américaine des économistes du vin).
Les raisons multiples de la déconsommation
- La mutation sociétale. 25 % des fa- milles sont aujourd’hui monoparentales. Les femmes sont le plus souvent à la tête de ces familles monoparentales. Selon les études compilées par Vin & Société, les femmes consomment trois fois moins de vin que les hommes. Il en ressort aussi que l’éducation au vin se fait surtout par le père. En cas d’absence, il se fait par les pairs, c’est-à-dire par les jeunes eux-mêmes.
- La santé d’abord. La société est préoc- cupée de sa santé, de son bien-être. Dans le discours global, vin et alcool sont liés sans discernement. Les recommanda-
Évolution des ventes de vins en France par couleur
19 CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - JUIN 2023