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Changement climatique et vins
et si on pensait au consommateur ?
Économie
Selon l’étude publiée en avril par l’Organisation météorologique mondiale (OMM), les huit années les plus chaudes jamais enregistrées se sont concentrées depuis 2015.
Depuis 2015, les ventes de vins rouges dans le monde baissent. Elles ont même chuté de 32 % en France en 10 ans.
Le changement climatique aurait-il un impact sur les comportements du consommateur ? Les données manquent mais des faisceaux de concordance posent question.
De mars à juillet 2022, rien que sur la ville de Bordeaux, se sont déroulés quatre rendez-vous (rencontre, sympo-
sium, colloque) sur l’adaptation de la vigne au changement climatique.
Ces rendez-vous, nationaux ou interna- tionaux, trouvaient un écho dans d’autres vignobles de France (Champagne, Vallée du Rhône), et du monde (Espagne, Italie, Canada, Californie, Nouvelle-Zélande).
Plusieurs livres sont parus en 2021 et 2022 sur cette même question cruciale. Comme Vin, le grand bouleversement. Quelle vigne pour quel climat ? d’Yves Leers. Ou Quel vin pour demain ? Le vin face aux défis climatiques de Jérémy Cuckierman, Hervé Quénol et Michelle Bouffard.
À chacun de ces livres, à chacun de ces rendez-vous scientifiques, une question principale a été abordée : les impacts du changement climatique sur la viticulture.
Sauf que depuis plusieurs années, l’on assiste à une fulgurante déconsomma- tion de vin rouge, tandis que l’on n’a jamais autant vendu de vins effervescents dans le monde. Qu’est-ce qui est à l’origine de cette déconsommation ? Est-ce que le changement climatique partcipe à expli- quer cette évolution ?
Les études relatives au changement climatique se sont surtout focalisées sur la production. Et si le comportement du consommateur était au centre des préoccupations ? (Photo Istock)
CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - JUIN 2023 18
Et si, dans ce contexte de changement cli- matique, on se posait la question de l’adap- tation du consommateur au même titre que l’adaptation de la vigne ? C’est-à-dire que l’on aborde de concert production et distribu- tion, plutôt que de dissocier les deux.
Pour comprendre les mécanismes qui engagent des changements d’habitudes du consommateur, observons les varia- tions météorologiques dans la durée, et ce qu’elles engendrent comme modification dans les habitudes de vie et les habitudes alimentaires.
Prenons en considération les évolutions culturelles et culinaires. Observons-les du point de vue du neurobiologiste Gabriel Lé- pousez, chercheur dans l'équipe Percep- tion et Mémoire (Institut Pasteur) à Paris.
Observons aussi comment évoluent les comportements des consommateurs en fonction de leur génération avec Thierry Lorey, enseignant chercheur en marketing à Kedge Bordeaux.
Analysons comment évolue le com- portement du consommateur du fait du changement climatique. En 2016, Alejan- dro Fuentes Espinoza, Chilien, était par- mi les premiers au monde à réaliser une étude, en soutenant une thèse à l’ISVV à
Bordeaux : Vin, réchauffement climatique et stratégies des entreprises : comment antici- per la réaction des consommateurs. Cette thèse avait été soutenue sous la direction d’Éric Giraud-Héraud (Inrae - ISVV) et Sté- phanie Pérès (Bordeaux Sciences Agro, ISVV). Alejandro Fuentes est aujourd’hui directeur du service économie et droit de l’Organisation internationale de la Vigne et du Vin (OIV).
Enfin, la préoccupation de la Gironde trouve-t-elle un écho ailleurs en Europe ? Antnio Graça, directeur R & D chez So- grape au Portugal nous éclairera.
Un défi démographique
Le monde viticole est face à plusieurs défis : environnemental, climatique, éco- nomique. Mais le premier défi est sans doute démographique.
En 1922, un département comme la Gironde comptait 60 000 déclarants de récolte. Si l’on estimait le foyer à quatre personnes, cela signifiait que 240 000 per- sonnes étaient en relation directe avec la vigne soit un habitant sur quatre.
En 2022, les 59 000 déclarants de récolte en France ne pèsent plus que plus que pour 0,09 % de la population. (0,3 % en Gironde).