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ENFANCE
de développer les formations. Et les personnes qui s’engagent dans ces carrières en sont reconnaissantes et n’attendent que cela d’apprendre leur métier, de mieux comprendre les enfants. La preuve, à l’IPE, où il y a une très bonne ambiance !
Enfin, vous pouvez considérer qu’en tant que parents, vous n’êtes pas seuls responsables, les décisions politiques et éducatives le sont elles aussi. D’où la nécessité de créer des lois qui protègent les femmes enceintes et intègrent la présence du deuxième parent au plus tôt. C’est pourquoi, avec la commission des 1000 jours1, nous avons notamment recommandé l’allongement de la durée du congé paternité dont la réforme a fait grand bruit récemment. »
T.C : « La période de confinement que nous vivons a généré de l’inquiétude chez les adultes et une forme d’insécurité affective chez les enfants. Comment l’accompagner et la dépasser ? »
B.C : « Il faut bien garder à l’esprit que tous les parents ne sont pas insécurisés et que l’injustice sociale est aggravée par la situation de confinement. Les parents bénéficiant d’une situation sociale privilégiée ne sont pas très agressés par le confinement. Au contraire : beaucoup d’entre eux en profitent pour retrouver une meilleure qualité de sommeil, s’adonner à la lecture, la musique, prendre soin d’eux-mêmes... Leurs enfants vont donc continuer à se développer dans de bonnes conditions et avec le rebond d’attachement qu’il y aura en sortie de confinement, ils seront tellement contents de revoir la maitresse et leurs camarades de classe qu’ils rattraperont en quelques mois leur retard.
En revanche, ceux qui naissent dans un foyer déjà en difficulté n’auront pas autant de chance. D’ailleurs l’un des
premiers symptômes du confinement est l’apparition de la violence conjugale. Avec la surdensité dans un petit logement, on se marche sur les pieds et chacun devient le stress de l’autre.
En outre, une mère seule qui travaille doit donner une bonne partie de son salaire à l’assistante maternelle ou à la crèche. Si son métier ne lui plait pas, qu’elle n’a pas d’autre choix ou que c’est un métier instable, elle va nécessairement préférer arrêter de travailler pour s’occuper seule de son enfant. En cela, on voit s’aggraver l’injustice sociale. »
T.C : « Pour finir, comment contourner les impacts du port du masque chez les tout petits ? »
B.C : « Quand il y a des masques, au tout départ le bébé s’en fiche puisqu’il ne voit que très peu et n’entend que les basses fréquences de la voix maternelle. Il ne considère même pas le bas du visage. Ce n’est que plus tard, autour de ses trois ou quatre mois, qu’il imitera. Mais s’il passe ne serait-ce que 10% de son temps avec des personnes sans masques, ou bien si, plus
tard dans son évolution, tout le monde retire les masques, il pourra rattraper son retard sans difficulté. Car un retard à cet âge-là n’est pas grave. L’évolution des bébés n’est pas linéaire mais plutôt à imager sous la forme de marches : si l’enfant n’a pas franchi une marche à six mois, il pourra la passer le mois d’après.
Pour finir sur une touche très positive avec ces histoires de masques et de confinement, nous n’aurons la réponse que dans quelques mois mais, avec ce troisième confinement, on voit le retour de l’importance de la famille. On va peut-être recréer ces grandes familles qui existaient avant car les confinements successifs obligent les jeunes qui vivent une trop grande agression à fuir leur toute petite chambre pour retrouver la maison familiale. On découvre aussi comme l’amitié nous manque, les relations en général, la proximité. On ne sait pas encore ce qui va advenir suite à cette crise mais mon hypothèse est qu’il va y avoir un rebond d’attachement ! Et dans la future culture que l’on se créera, on voyagera sans doute moins loin, on mangera moins de viande et on se nourrira par d’autres circuits, industries et relations. Donc cette crise va certes aggraver les inégalités mais aussi améliorer les modes d’arrêt de l’hyperconsommation et nous inciter à renouer les uns avec les autres. »
Retrouvez l’interview dans son intégralité sur www.talence.fr
1 Une commission de 18 experts et présidée par Boris Cyrulnik qui, à la demande du Président de la République, a listé les préconisations pour les 1000 premiers jours de vie des enfants.
Rapport disponible ici : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/ rapport-1000-premiers-jours.pdf
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