Page 11 - GESI n°96 // Mai 2022
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N°96 // MAI 2022 // LES SAÉ ET LEUR MISE EN PLACE SUR LE TERRAIN / 11
Et au bout du chemin ? Parce que nous sommes dans un processus diplômant, la démarche se conclut par une certification professionnelle.
Ce label ne se résume pas à une attestation de bonne conduite ou de présence assidue, il témoigne d’acquis vérifiables, que résument à la fois le “É” de SAÉ, et la démarche portfolio. L’aboutissement d’un processus diplômant est la reconnaissance que l’impétrant remplit les conditions requises face à des compétences visées : à charge alors, pour les équipes pédagogiques, de vérifier.
La pratique en cours de généralisation, vis à vis de l’évaluation, est de définir a priori les critères auxquels devront répondre les candidats : la formulation de ceux-ci et des attendus associés est un exercice subtil, qui fait appel à toute l’intelligence d’un dispositif. Plus profondément, il incite à exprimer le plus clairement et le plus complètement possible jusqu’où on veut accompagner l’étudiant. Mine de rien, c’est là encore un renversement des hiérarchies. “Avant”, on attendait l’étudiant à un niveau, dont l’appréciation brillait par son flou, et la sanction était la réussite ou non, autrement dit l’étudiant avance sous la menace de l’échec. Dans ce nouveau processus, on avance aux côtés d’un étudiant qui accumule les acquis à travers de multiples réussites.
Le deuxième impact du processus, (le temps nous apprendra-t- il que c’est le premier ?), se niche dans le travail que l’étudiant mène sur lui-même à travers l’élaboration progressive de sa propre histoire de compétences, dont le portfolio est l’outil (cf page suivante “Comme un jardinier dans son jardin”). L’ambition du portfolio n’est pas de communiquer au sens classique et décevant du terme : si la perspective future reste de se valoriser face à un tiers, il s’agit pour l'étudiant de s’engager dans une démarche de consignation de son trajet.
Non seulement mémoriser, en captant des traces de ce qu’on fait et de ce qu’on réussit ou pas, mais encore se représenter comme personne douée de compétences, d'expériences et de potentialités qui attendent de fructifier là où elle s'intégrera. Un tel projet reste celui de chaque étudiant qui va le mener... ou pas. La responsabilité de l'équipe pédagogique est de donner le goût du voyage, d’inciter, d’encourager.
La mise en condition est indispensable à l’amorce d’un quelconque intérêt du côté de l'étudiant.
Là où elle est pratiquée de manière intensive, en tout début de première année, on retrouve quelques incontournables : se familiariser avec le vocabulaire, donner à voir de plus près le contexte professionnel par la rencontre de personnes issues du milieu industriel environnant qui vont, par exemple, insister sur la manière de travailler, les retours d'expérience, la nécessaire coopération à l'intérieur d’une équipe, et participer à l'élaboration du dispositif de formation (en amenant, par exemple, les étudiants à proposer des grilles d'évaluation pour leurs activités). Dans ces moments-là, la priorité est au dialogue, à l'échange, au questionnement, à la relation maïeutique.
Trois petits tours et puis s'en vont...
Difficile, à ce stade, de ramasser en quelques mots ce qui se joue à travers les SAÉ : bien sûr l’autonomie dont “on” ne fera jamais le tour, puisqu'elle se révèle dans le secret d’un territoire éminemment intime avant de paraître au grand jour, devant les autres. Sûrement aussi une montée en puissance de l'espace relationnel, c’est à dire qu’avec la mise en place du BUT, l'état de fait des jeux de rôles précédemment établis entre des sachants (les enseignants) et des ignorants à “cultiver” a volé en éclats sous la nécessité de se parler, de personne à personne, et de travailler ensemble.
Les Alpilles, près de Salon de Provence, au soleil couchant
La coopération, vécue par les étudiants le plus souvent sous la stimulation d’un projet commun, doit s'élargir à une alliance englobant équipes pédagogiques et étudiants, pour affronter solidairement des défis nouveaux.
Un tel climat ne se décrète pas, en revanche, un visiteur extérieur le ressent fortement !
Un dernier point, qu’on laisse souvent dans l’ombre car, dans la plupart des cas, on n’a guère de moyens d’agir dessus, c’est l’aspect organisationnel. La démarche SAÉ suppose des espaces qui autorisent la circulation des étudiants et des tuteurs, aussi bien dans le temps qu'à travers les surfaces, dédiés (labos techniques spécialisés) ou pas (“simples” salles de travail, lieux de rencontres conviviales et/ou laborieuses).
Raisonnablement, il est difficile de faire une nouvelle soupe dans un vieux chaudron : en l'espèce, nous avons besoin d’architectures en cohérence avec le projet pédagogique, et qui autorisent l’accès largement libre aux ressources de formation. Actuellement, la question est posée : certains s’y essaient avec succès, d’autres avec difficultés (parfois, il a fallu revenir en arrière et restreindre la liberté de circulation). Mais, au final, la porte, côté équipe pédagogique, reste largement ouverte à la grande majorité des étudiants qui ont envie de jouer le jeu.
Le maître mot, dans toute cette histoire, à l’issue des rencontres réalisées, est “plus que jamais, avancer ensemble”.
Cette avancée se joue au niveau local (dans la construction de la relation d’accompagnement étudiants-tuteurs) et au niveau national (dans la stimulation apportée par la relation des départements GEII confrontant leurs manières de faire, comme le prochain Colloque leur en donnera une nouvelle occasion).
Si la coopération fonctionne à ces deux niveaux, les étudiants se sentiront bien dans le dispositif et ils y réussiront.
Rémy Gourdon, Rédaction GESI, qui adresse un très grand merci aux nombreuses personnes rencontrées à Salon de Provence, Brest et Lille. Elles ne retrouveront pas, dans cet article, le détail de tout ce qu’elles ont transmis, mais leur disponibilité a été une richesse inspiratrice.
Merci encore.
REVUE DES DÉPARTEMENTS DE GÉNIE ÉLECTRIQUE & INFORMATIQUE INDUSTRIELLE