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  se divisent et assure une part importante de la mémoire des cellules, encore appe- lée mémoire somatique. Cette mémoire somatique (Figure 2) est sollicitée dans le cas où la plante est soumise à un stress récurent et peut perdurer d’une année sur l’autre dans le cas de plantes pérennes. On parle dans ce dernier cas de mémoire tran- sannuelle.
Lorsque cette information épigénétique est transmise aux gamètes, elle peut être retrouvée dans les plantes de la généra- tion suivante. On parle alors de mémoire trans ou intergénérationnelle. Cette in- formation épigénétique peut aussi être maintenue lorsque les plantes sont mul- tipliées par bouturage ou greffage. Ce dernier point est particulièrement impor- tant car il implique que des clones végé- taux, génétiquement identiques, peuvent présenter des différences épigénétiques pouvant être à l’origine de variations de leur apparence ou de leur comportement.
Le projet EPIDEP (projet PNDV) est fon- dé sur l’idée que l’information épigénétique de la vigne varie en fonction de son envi- ronnement (conduite de culture, climat et micro-climat, sol, etc.). Ceci pourrait générer à terme une dérive épigénétique des plantes éventuellement en lien avec processus de dépérissement de la vigne. En effet, le dépérissement de la vigne est un processus progressif qui s’installe au cours du temps et résulte de l’action ré- currente de différents facteurs environne- mentaux. Les mécanismes épigénétiques qui assurent la mémoire des plantes et sont des acteurs essentiels de leur accli- matation et adaptation à l’environnement pourraient donc y contribuer. Les travaux que nous réalisons dans le cadre du pro- jet EPIDEP suggèrent en effet que les dif- férences de sensibilité de plants de vigne à différents stress sont associées à des paysages épigénétiques distincts (thèse, Margot Berger, 2021).
3. Conclusions : l’épigénétique en viticulture ?
La vigne est porteuse de variations épi- génétique naturelles générées par son en- vironnement. Celui-ci inclut les contraintes environnementales, en particulier les stress, mais aussi les pratiques culturales, le climat ou la nature des sols, ce qui pour-
Figure 2. Les mémoires épigénétiques des plantes.
L’information épigénétique est mise en place dans les cellules méristématiques et lors de la différenciation cellulaire, puis est maintenue lors des divisions cellulaires. Les marques épigénétiques peuvent être maintenue à l’échelle de la vie de la plante, parti- cipant à la mémoire somatique (1). Ces marques peuvent être transmise lors de la reproduction sexuée (2) ou lors de la propagation végétative (3). Chez les plantes pérennes comme la vigne, il existe une mémoire transannuelle, qui permet la transmis- sion de marques épigénétique à travers les cycles de développement et de dormance des plantes au fil des saisons (adapté d’après Margot et al, 2023).
rait générer une signature épigénétique du terroir (Xie et al., 2017). Ceci suggère aussi l’existence d’une évolution des paysages épigénétiques de la plante dont les consé- quences physiologiques sont encore mal comprises.
Cette capacité des plantes à intégrer et mémoriser l’information générée par leur environnement notamment au niveau de leurs épigénomes permet d’envisager des moyens innovants pour acclimater/adap- ter les plantes en général, incluant la vigne, aux contraintes actuelles liées aux chan- gements globaux, sans nécessairement avoir recours à l’amélioration génétique, processus long et chronophage pour la vigne. La figure 3 résume certaines de ces possibilités. En effet, les variations épi- génétiques (encore appelées épiallèles) peuvent se produire du fait de l’environ- nement dans lequel la plante se trouve,
qu’elles soient induites par des stress environnementaux, des situations de ca- rence nutritives ou induites par des stress biotiques ou abiotiques, et dans certains cas être maintenues lorsque la plante se développe. Ces variations épigénétiques peuvent aussi être transmises aux géné- rations suivantes lors de la multiplication végétative ou de la reproduction sexuée. La diversité épigénétique peut aussi être générée lors de croisement entre plantes génétiquement éloignées (chocs géno- miques), ou encore lors de l’acclimatation des plantes. Cette variabilité épigénétique « naturelle » peut influencer les plantes au vignoble, être à l’origine de variation phé- notypiques positives ou négatives, selon l’environnement (climat, pratique cultu- rale, sol, stress) de la plante.
Il est aussi possible de provoquer des variations épigénétiques en laboratoire
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