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Économie
L’insolente santé financière des verriers
irrite sérieusement viticulteurs et négociants
Verallia vient de publier son chiffre d’affaires 2022. Le verrier français affiche une hausse de son chiffre d’affaires de +25,3 % en 2022 (3,35 milliards d’euros), et un résultat net de +42,7 % (356 M€). L’Américain OI a connu une hausse record de son cours boursier, passant de 10,99 $ fin 2021 à 23,44 $ en mars 2023 (+ 113,28 % en 14 mois). Et un bénéfice d’exploitation en progression de 24 %.
Le 11 février 2022, la Fédération des industries du verre organisait une réception au Palais du Luxembourg pour
saluer 2022, « année internationale du verre ».
Deux semaines plus tard débutait le conflit en Ukraine, plongeant les verriers dans l’incertitude quant à leur approvision- nement en gaz russe, très utilisé pour le fonctionnement des fours.
Dès le début du conflit, deux verriers im- plantés en Ukraine mettaient leurs usines à l’arrêt. C’était le cas du Suisse Vetropack. Son usine à quelques kilomètres de Kiev subissait des bombardements quelques semaines plus tard. L’obligeant à licencier une grande partie de son personnel tout en maintenant un fonds d’aides.
Le Français Verallia (ex Saint-Gobain), fermait également son usine par précau- tion en février 2022. Avant de la remettre en activité quelques semaines plus tard sa branche bocaux alimentaires (Source allemande - Schwabische).
Le secteur de la bouteille de verre, du fait de ses lourds investissements, compte de moins en moins d’acteurs dans le monde, et les regroupements se font à vive allure. Les principales entreprises sont : Owens-Illinois (OI) - qui possède une usine à Beychac-et-Caillau, le Français Ve- rallia, leader national, le Luxembourgeois Ardagh Group, incontournable dans la bière, l’Allemand Gerresheimer, dont l’ac- tivité est surtout orientée vers le packa- ging pharmaceutique et les cosmétiques et le Français Saverglass, surtout axé sur les spiritueux. À noter aussi la montée en puissance du groupe italo-américain Berlin Packaging qui a notamment intégré
la marque Le Parfait (en relation avec OI France) et Gerfran à la Réole. Il a acquis 20 de verriers en Europe depuis 2016.
Les verriers ont pris de plein fouet les hausses de tarifs d’énergies nécessaires à leurs fours (gaz, électricité). Très vite, ils les ont répercutées à toute la filière viti- cole, que ce soit les vignerons comme les négociants.
Quand les fournisseurs
dictent leur loi
Résultat, Verallia affiche une santé inso- lente. Un chiffre d’affaires de 3,3 milliards d’euros (+25,3 %), et un résultat net de 356 M€ (+42,7 %). « Je suis très satisfait des résultats de l’année 2022 » commentait Patrice Lucas, directeur général.
Aux États-Unis, Andres Lopez, directeur général de O-I Glass se félicitait aussi des croissances de chiffres d’affaires et d’un résultat net avant impôt de 805 M$ (en hausse de 473 M$ en un an). Et se proje- tait déjà : « Nous prévoyons que nos perfor- mances continueront de s’améliorer en 2023 et que nos efforts permettront d’accroître notre valeur actionnariale. »
Le poids de Verallia et de OI est tel dans le secteur du vin qu’ils apparaissent au- jourd’hui aussi forts qu’Intel ou AMD sur le marché des microprocesseurs. Le fournis- seur dicte sa loi face à une clientèle ato- misée. Il n’y a pas de monopole, mais une telle concentration des acteurs que les fournisseurs imposent leurs règles du jeu.
Sur le terrain, viticulteurs et négociants s’agacent. Les prévisions d’approvision- nement sont peu tangibles, les prix ne cessent d’augmenter en toute opacité. La
Difficile d’avoir une visibilité nette dans les approvisionnements et prix de bouteilles.
situation rend illisible une gestion fine des charges fixes pour le producteur.
Jean-Marie Fabre, président des vigne- rons indépendant, présent lors du salon bordelais fulminait : «Je peux entendre des hausses de prix du fait de fours fer- més ou de hausse de prix de l’énergie. Mais comment prétexter une hausse du résul- tat net de 43 % si ce n’est en surfacturant les viticulteurs. Les cocus des bénéfices de Verallia, c’est le consommateur final, et dans le cas présent, les viticulteurs qui les paye... »
Du côté de Bordeaux Négoce, le dis- cours est plus mesuré mais la finalité très proche : « Le négoce subit les mêmes désagréments que la viticulture, en termes de disponibilités de bouteilles, de délais de livraison, d’annulation et de hausses de prix non négociables. Tout le monde, y compris les grands groupes, semble avoir les mêmes problèmes. Des contacts à tous les niveaux sont en cours avec les verriers pour essayer d’avoir de la visibilité sur 2023. »
> E.D.
17 CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - AVRIL 2023