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Statut du fermage
À quelles conditions le fermier peut-il résilier son bail ?
Voici deux ans (en février 2021), nous avions rédigé un article consacré aux conditions
de résiliation du bail par le fermier. Nous anticipions (trop) la situation économique dans laquelle se trouve la filière viticole après de deux années de pandémie, une année de situation internationale dégradée (le mot est faible), une diminution de la consommation de vin
toutes appellations et toutes couleurs confondues.
Juridique
En effet, les conditions de résilia- tion du bail à l’initiative du preneur, moyen juridique et technique pour par-
fois restructurer une exploitation agri- cole/viticole (préconisée par une instruc- tion technique du 27 octobre 2022) sont contraintes dans des règles du droit rural (a. L411-33), soit dans des règles de droit civil difficilement mises en œuvre à ce jour (technique de l’imprévision), soit dans des règles de droit commercial impliquant que l’entreprise soit mise sous protection du juge civil dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
Rappelons, à ce sujet, que la procédure de règlement amiable, spécifique à l’agri- culture, ne peut imposer la résiliation du bail pour motif économique au bailleur qui refuserait une telle rupture contractuelle. Le conciliateur nommé peut suggérer, pro- poser, négocier, il ne peut imposer.
Reprenons notre texte, qui n’a pas pris une ride. Notre propos est de traiter d’un sujet connexe dans le cadre de la réflexion que doit avoir un vigneron, dans cette si- tuation de vulnérabilité, de savoir repen- ser son périmètre d’exploitation, surtout lorsque celui-ci se trouve être titulaire de plusieurs baux ruraux (à ferme ou à mé- tayage) quelle que soit leur durée.
En effet, nombreux pensent que la réduc- tion de surface d’exploitation est une solu- tion économique pour passer le cap de la ou des difficultés. Nous laissons l’analyse économique et financière aux spécialistes des chiffres. Intéressons-nous aux condi- tions juridiques de cessation d’exploita- tion partielle quand celle-ci est organisée notamment par voie de bail rural.
En un mot, il est question de la résilia- tion de ce dernier en cours d’exécution, rappelant ici qu’au terme dudit bail, le pre- neur peut renoncer à son renouvellement en notifiant au bailleur cette volonté par voie d’acte huissier ou lettre RAR (en re- commandé avec accusé de réception) dix- huit mois avant la date d’expiration, sans que celui-ci ne puisse s’y opposer.
Rappelons à ce stade, que le statut du fermage qui régit notre sujet est d’ordre public et que les règles énoncées ci-après s’appliquent par exclusion de toutes autres conventions qui seront déclarées réputées non écrites et de nul effet.
Nous nous plaçons bien évidemment dans l’hypothèse où l’initiative de la de- mande de résiliation émane du preneur (personne physique ou personne morale) titulaire du droit au bail. Il s’agit plus pré- cisément de voir à quelles conditions la rupture du bail à l’initiative du preneur peut être acceptée par le bailleur (1) et, à dé- faut, lui être imposée (2).
1. La résiliation amiable, fruit de l’accord
des deux parties
Suivant l’adage bien connu des juristes, :
« On lie les hommes par la parole comme les bœufs par les cornes ».
Or une fois la parole donnée, c’est-à-dire le contrat de fermage conclu, le preneur ne peut plus se délier de ses engagements sans l’accord de son bailleur.
A contrario, si les deux parties s’en- tendent pour résilier le bail sans attendre
son terme, elles en sont parfaitement libres, à une double condition, à savoir :
- l’interdiction au moment de la conclu- sion du bail, d’organiser contractuellement la future « éventuelle » résiliation ;
- la formalisation écrite (protocole de résiliation) du consentement réciproque des parties et de la volonté du preneur de renoncer à ses prérogatives légales.
Dès lors, le bailleur n’est pas tenu de dé- livrer au preneur un congé dans les formes et délais impartis par le statut (acte d’huis- sier motivé obligatoire et dix-huit mois avant la fin du bail), mais il est conseillé de formaliser la résiliation par un protocole de sortie.
Dans le cadre de ce protocole, devront être réglés les sujets relatifs aux impenses (dépenses réalisées) et améliorations du fonds apportées par le preneur pouvant ou- vrir droit à ce qu’il est de coutume d’appeler « l’Indemnité au preneur sortant », à condi- tion que celles-ci et pour certaines aient été autorisées expressément par le bailleur.
Mais que se passe-t-il lorsque le bailleur refuse la résiliation ?
2. La résiliation judiciaire à l’initiative
du seul preneur
Si les motifs de résiliation du bail à l’ini- tiative du bailleur sont bien connus, les possibilités de résiliation à l’initiative du preneur le sont moins. Ils existent pour- tant : ils trouvent leur source, soit dans la législation rurale (2.1), soit dans d’autres
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